Thomas Ostermeier
IBSEN Un ennemi du peuple
La Coqueluche d'Avignon
Comment avec une pièce vieille de plus de cent ans construire une véritable machine de guerre théâtrale, vivante, polémique, d'actualité, flirtant avec l'antithéâtre et cependant fidèle au texte !
c'est le bel exploit de T. Ostermeier et de ses acteurs, tous très bons d'ailleurs.
il faut dire qu'Ibsen sait construire ses scénarios et ses personnages. Dans une petite ville de Norvege un médecin découvre que les eaux des bains qui font la fortune de la ville sont polluées par les déversements de la fabrique de son beau père. Il s'adresse à la presse et aux concitoyens pour exposer cette menace qui doit entraîner un arrêt de la station. Mais le maire et la presse sont à la manoeuvre, on accuse le Dr Stockmann de vouloir la mort de la petite ville, on le rejette, on le licencie et on le calomnie. Dans la pièce, Stockmann et sa femme après avoir projeté de partir pour l'Amérique, resteront, continuant leurs activités mais avec d'autres employeurs , faisant face ensemble aux rejets et aux trahisons des notables.
Ostermeier délaisse la fin et se concentre sur le premier renversement, discours de Dr Stockmann en direct au public et réactions de la salle priée de réagir, avec contradicteurs et comparses, on promène le micro. Puis Ostermeier reprend l'illusion théâtrale avec l'ensemble des acteurs arrosant le pauvre Stockmann de peinture en tout genre. La question est tellement d'actualité que tout le monde a envie de réagir, le scénario d'Ibsen pose les questions de la transparence, de la démocratie effective et des magouilles en tout genre. Ostermeier projette de jouer son spectacle à Moscou , on verra!
Pour Avignon il a évidemment eu les coeurs avec lui, peut être et d'abord parce qu'il a réussi à construire un théâtre dépoussiéré et tellement vivant. Le docteur Dr Stockmann et sa femme hébergent des musiciens, tout le monde chante , et puis la pièce d'Ibsen se met en place dans un décor de graffitis et de peinture? Tout est actif et touche juste. Alors c'est le théâtre qui gagne, beau travail sur un Ibsen ainsi renouvelé.
Au passage il y a tout de même un malentendu , on entend les révélations de Stockmann comme les protestations d'un écologiste contestataire et Ostermeier provoque en utilisant en rideau de scène un extrait de "l'insurrection qui vient " Ibsen lui était plutôt imprégné par des considérations de santé publique, à son époque il n'y a guère de frein écologique, le XIX siècle a eu une grande conscience de l'hygiène et a remarquablement accru les conditions de santé publique. Les relations du pouvoir aux medias sont par contre tout à fait remarquablement analysées et théâtralisées, par Ibsen et Ostermeier.
critique de telerama de la première représentation avec beaucoup de photos
extraits de video du spectacle