MICHEL LEIRIS

LE RUBAN DU COU D'OLYMPIA

 

 

 

Bonjour,

bonne année,

bonne chance,

bon courage,

bon appétit,

bonne route!

 

Que la parole te revienne, à toi que le mutisme étouffe!

Que l'encre trace de vivantes arabesques sur ton suaire de papier blanc!

Qu'en toi une araignée tisse la toile où des mouches se mettront à ta merci!

Que la table sur laquelle s'ouvre ton cahier devienne l'esquif de planches mû par une voile où le vent souffle!

Que ta chaise et son quadrangle de pieds t'unissent aux points cardinaux, au lieu de n'être que la sellette qui t'isole quand tu y auras pris place!

Que la lampe qui t'éclaire t'apprenne à ne plus être un feu avare!

Que l'oreiller ami de ton sommeil soit une outre gonflée de rêves!

Que le sol, dur ou mou, que tu foules te rappelle que ce n'est pas sur la tête que tu marches!

Que dans la rue les maisons soient, pour ton regard, moins des murs que des fenêtres!

Que le peu d'années, de mois ou de jours qui te restent soient de braise plutôt que lie!

Que le nœud qui t'étrangle se dénoue avant que le temps ne le tranche!

Qu'au lieu de rester verrouillé tu étreignes, en esprit, la compagne que ton usure t'empêche d'étreindre charnellement!

Que tu sois le porte-parole des mots et non leur usager besogneux!

Que scintille sans éclipses, tout damas et cristaux, ton festival d'hiver!

 

 

Editions Gallimard. 1981.

 

 

ainsi nous parle Michel Leiris , sagesse et ferveur, des mots nécessaires et rares, d'une absolue densité, avec la bonté de bien vouloir nous les dire, d'avoir voulu se les écrire, nous invitant à partager avec lui, à vivre et revivre l'ardeur, cette page est parmi les premières de son dernier recueil.

 

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