LA BALLADE DU GRAND MAGASIN
auteur: anton alain
PRESENTATION DE LA PIECE
Quatre personnages quotidiens et mythiques sy déploient en des facettes multiples, chacun restant fidèle à des lignes de force qui les caractérisent.
Ces personnages nous font entrer dans les sous sols du Grand Magasin. Ils y travaillent dans une ambiance de chariots et de marchandises.
Mais voici que ce magasin devient le lieu des représentations sociales: compétitivité, chômage, discours politiques.
Ces thèmes sont exposés sur un mode dérisoire, grotesque, et aussi menaçant.
Ils appellent une réponse plus intérieure et lyrique des personnages qui expriment leurs doutes et leurs attentes.
Lenjeu est le théâtre, la représentation possible du monde actuel:
Construire des espaces provocateurs et des espaces de recueillement.
Permettre le lien entre une parole du quotidien et une expression lyrique et poétique.
Il y a un espace en prise directe avec des spectateurs solllicités à sy promener.
Il y a un espace plus distant, lieu du dire et des ombres.
ESPACES
La Ballade appelle un espace où acteurs et spectateurs se côtoieront et se réfléchiront.
Les séquences construisent et animent des espaces qui portent et font la signification.
Cest tout lespace qui doit être investi par la diversité des centres dintérêts et la transformation des aires de jeu.
On retiendra des objets signifiants qui relieront le jeu à la vie quotidienne: hauts chariots de magasins, mannequins.
Lensemble sera dépouillé et stylisé.
Nous ne sommes pas ici dans une scène à
litalienne:
atelier, large espace,
public que je nai jamais su où mettre, sur une estrade
fixe ou sur des petites estrades roulantes, à la place des
produits !
Le metteur en scène, sil y a, amplifiera plus ou moins la
partie consommation: affiches, réclames, petite musique de
magasin, ventes dobjets les plus stupides à
lentrée. Ou bien rigueur dun atelier purifié, avec
le frémissement de quelques mannequins?
Un arbre est nécessaire pour le début, un baobab peut être, ou
une palissade de planches ou un palmier en toc.
Le lieu est à remodeler suivant les séquences, on peut aussi
déplacer le public dans plusieurs lieux.
BUTS
Confronter les hantises du mythe moderne, la croissance, le progrès, le chômage, aux
protestations des corps sujets ainsi manipulés.
Construire autant un rituel quune farce.
Cette pièce est restée comme un cocon, une trace. Pour moi les mots ici prononcés sont des
brûlures, jai toujours pensé quils étaient évidents, je nai guère rencontré décho.
anton alain
PERSONNAGES
A. Adeline
B. Gabriel,
K. Kronos,
E. Exterminateur,
© tous droits réservés, Dérives, anton alain.
L’ORIGINE
DU THEATRE DE BHARATA
Traduction par René Daumal
121.“ Que l’offrande soit constituée par des présents, des libations au feu, des prières et des plantes, des aumônes de nourriture et de boisson.
122. “ En allant au monde des mortels, tous vous y recevrez un culte lumineux; mais que nul n’organise de spectacles sans avoir accompli le culte de la scène.
123. “ Quiconque organisera un spectacle sans avoir accompli le culte de la scène, son savoir restera sans fruits, et il ira dans la matrice de la bête.
124. “ Il vaut un sacrifice, ce culte rendu aux déités de la scène. Aussi doit-il être accompli avec une totale application par tous ceux qui font marcher le théâtre.
125. “ L’acteur ou le chef de troupe qui n’accomplira pas ce culte, ou qui ne le fera pas accomplir par ses subordonnés , n’obtiendra que l’avilissement.
126 “ Mais celui qui rendra le culte selon le rite et selon la juste vue, il obtiendra des trésors de lumière ... ”
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ACCUEIL
Les spectateurs découvrent les actions qui sont simultanées en différents points du lieu.
Chacun des personnages reprend lensemble de sa partition comme il est indiqué.
Des stances se détachent nettement qui doivent être scandées de façon particulière.
Il sagit là dun accueil personnalisé. Ladresse au spectateur est directe.
Les comédiens leur chuchotent des confidences ou crient, ou jouent, mais dans tous les cas cela va avec un réel accompagnement du public qui sinstalle.
Les comédiens jouent donc aussi avec tout le bruit et linattention de ce moment dinstallation.
ACCUEIL 1
ADELINE. (Marchant et sadressant doucement, presque en murmurant à chacun. Le début doit être entendu clairement.)
- Prison Poisson
Les prisons ne sont pas des poissons
mais les lieux cohérents dun système doppression
dont vous êtes les acteurs passagers.
Ce provisoire dure cependant depuis un bon nombre de saison.
- Le chevalier, il viendra,
Je lai tellement attendu, aimé.
- Pourquoi mon père il travaille toute la sainte journée
et que le soir il est si triste?
- Cest ma copine Rachel qui va aborter dun petit lapin.
- Je lai embrassé toute nue contre larbre.
- Ils ont enlevé la plaque de ma maison.
- Je suis allée à la ville, jai mendié,
on ma ri au nez.
- Quatre poissons dargile sont venus à ma rencontre,
ils mont mis le doigt sur la bouche.
- Jai ouvert la porte de la prison de ma cage.
(REPRISE)
- Prison Poisson
.......................
ACCUEIL 2.
GABRIEL. Il prend des notes et interroge les gens en changeant dendroits .
- Ceci est une Ville,
un ensemble de points et de trous.
Remarquez que vous pouvez toujours en faire autant de confettis
quun urbanistes sen ira compulser.
(déchirant ses notes et lançant ses petits bouts de papier.)
- Je nai pas été intérimaire tout de suite,
mais après avoir lu les poètes majeurs.
Cest une chance davoir trouvé ce job.
- Je suis chargé de savoir doù tu viens,
Comment ? Quel chemin ? Moyen de transport ?
(il le demande vraiment et note sur ses papiers)
- Es-tu seulement le maître de ta route ?
De la forme de ta maison?
- Quoi? Quoi ? Déjà individualiste et apolitique?
stance:
la logique dune non action
nous émancipe
et sécroule à temps.
(REPRISE.)
Ceci est une Ville
Un ensemble de points et de trous.
......................
ACCUEIL 3.
KRONOS
Il émerge dun arbre, ou dune palissade, il vient peut être de pisser ou de naître, une ficelle est enroulée à sa taille, il a du vagabond, il est plein de poussière et mal rasé. Il est plus en retrait du public, il joue, demande à ce quon le regarde, quon lécoute. Jeu et déplacements en plusieurs espaces différents.
Arbre, avec soleil incorporé,
Je suis le temps, le silencieux allié,
Je mâchonne avec mes doigts de fée.
Faudrait penser à me détacher.
Non! Vous ny êtes pas,
Cela ne signifie rien de particulier.
Ecoutez!
Les ficelles sont comme un carnaval,
Cela pourrait être un tonneau.
Je déambule à labri de vos ceintures.
Je menroule en mon lac,
La ficelle me gronde et me console.
Jai même un parapluie au cas où il pleuvrait.
Nous sommes sur une grande esplanade.
Au centre, est la mort
Ailleurs, cest vous.
Moi, je ne suis ni au-dessus, ni au dessous,
Je suis parmi dautres univers,
espace des forces
espace des ventres
espace des millénaires
espace des chats
espace de points brillants dantimatière
espace de ceintures dor des fées
Eh! Eh! Vous êtes impressionnés!
(REPRISE)
........
ACCUEIL 4.
EXTERMINATEUR
Il est très nerveux, il déchire et distribue de petits bulletins quil tire de sa poche organisant une sorte de loterie. Il court dans tout lespace.
Allitérature
La dispersion sest incluse dans le super réduit, ma colombe,
La route disproportionnée trébuche de vallée en vallée,
Déjà les fils sont indistincts.
Mais prenez donc un billet de cette petite loterie !
Le bilboquet était planqué sous la chaise à trois pieds
Je sais bien quelle était là sur le terre-plein,
Ce double de moi-même, de plein pied avec lui,
Pas moyen de lignorer.
Je lentortille avec mon fil, je la tire par le pied,
Cest le trois qui a gagné!
Le caïman gesticule
Une logique étincelle
la route.
Impossible !
Et la chaise sest mise à braire,
O la ferme! je lui dis.
Je la cache, je lattache, je fulmine, jy rinifle.
Je lui sors mon revolver.
Attendez!
Le deux cest pour la petite mariée
Je laligne de mon fil, je la tire sur le côté
Je la lance contre larbre. En joue!
Rien ne va plus, faites vos jeux!
Cest le caïman qui éjacule
Allitérature
Un bond, non , deux, trois
Attendez!
Cest haletant, dégoûtant,
Cest le trois qui a perdu !
Justement! vous ny étiez pas.
Dépêchons
Une Deux
Quelle fête!
Je défile.
Le premier prix pour la petite aveugle!
Bravo mademoiselle.
Cest le caïman qui gesticule
Une logique étincelle
La route
(REPRISE)
Allitérature
La dispersion sest incluse dans le super réduit
La route disproportionnée trébuche de vallée en vallée,
Déjà les fils sont indistincts.
Mais prenez donc un billet de cette petite loterie !
Le bilboquet était planqué sous la chaise à trois pieds
Je sais bien quelle était là sur le terre-plein,
Ce double de moi-même, de plein pied avec lui,
Pas moyen de lignorer.
Je lentortille avec mon fil, je la tire par le pied,
Cest le trois qui a gagné!
..........................
EVEIL ET PROCESSION D ADELINE.
Les actions daccueil sarrêtent. Kronos transperce larbre de départ, à laide dun couteau. Du sang gicle ainsi quun long fil (de laine) que va dévider Kronos. Adeline repose couchée quelque part dans lespace du public. La lumière est faible, quasi obscurité.
Gabriel -
Il a
écorné larbre abondant avec soleil incorporé.
Il a
dévidé le fil du labyrinthe.
Il sest approché
du point englouti
pourtant juste à fleur de terre
où repose ADELINE.
Kronos - (cherchant Adeline à travers la salle)
Adeline, jai pris la lampe, je suis venu pour te veiller.
Gabriel - Delle, il ne restait plus trace.
Kronos - Adeline lève-toi,
Je suis venu tapporter le repos, légalité.
Adeline (invisible, cachée dans lobscurité du public) - Absente.
Kronos - Adeline lève-toi, je tapporte le désir, lamertume.
Adeline - Je nai plus dautobus
Ni non plus de maison
Juste une petite chambre
Et mon corps qui se dérobe
Gabriel - A la sortie de mon travail,
Jirai rejoindre la foule des promeneurs,
Une attente vague,
rumeur de gadgets,
et de frissons tentaculaires.
Adeline (commençant sa procession )
- Javance,
Tous ces visages,
Ils mappellent,
Ils me transpercent,
ils me meurent.
Gabriel - Quel est
Cet acide féroce ?
A la lisière dune image,
Combien ténu le moi,
Seuil fragile dune naissance
Kronos - Adeline, je suis le temps, le silencieux allié.
Exterminateur -Jai organisé des rues Droites,
Jai détruit le But
pour la liberté du trafic.
Gabriel - Jai ensemencé des prisons
où lon se suicide quand on est rejeté.
Jai mangé à la table des familles
où lon sengraisse copieusement
à labri dun impérialisme blanc.
Adeline -
Le sang du monde
Il est sur moi.
Ca me ronge, ça me dévore
Je titube, je vais mourir.
Kronos - (Regardant de près une partie du public)
Nébuleuse,
Face cachée de la misère.
Jai égaré mes yeux dans lenclos de mon voisin.
Ex - Je lai jetée à vive allure sous le gravier blanc dun cimetière.
Gabriel - Jai descendu le trottoir poursuivi par un flic qui me traquait dans loeil.
Kronos - Adeline, jai été quérir le rien,
Quelques pierres de couleur,
Je les ai versées sur tes yeux.
Adeline -
A la porte du garage
Jai relevé ma chevelure
Ma robe souillée
Je me suis agenouillée
Exterminateur - (courant et criant)
Qui échappera Vivant
A la mort
Au carnage
Au spectacle ?
(K et G à lintention dAdeline, proche delle)
Kronos - Adeline va,
Exprime lhorreur et la peur
Limbécillité des jours
Les chemins du joyeux.
Gabriel - Adeline découvre !
La poésie cest de la fièvre
La montagne qui délie
Ce flot de cendre
que jimagine.
PROCESSION D ADELINE
Adeline commence une marche lente, elle psalmodie, conclusion rapide, puis reprise.
Adeline -
PRI / SON / POIS / SON /
Le décompte des jours est REVOLTE.
actions parallèles à la procession dAdeline.
Gabriel et Kronos, face à face, mains contre mains en opposition, regards contre regards, tension.
Gabriel - Je tai regardé
Tu étais un mur.
Kronos - Jétais lénergie libérée mais non acclimatée
ainsi je te semblais immuable.
Donne ta main !
Gabriel - Je ne peux.
Kronos - Je le veux !
(Tous deux luttent contre un mur invisible puis roulent à terre.)
Exterminateur - (courant à travers lespace, voix stridente )
DES HURLEMENTS COMME DES FANZINES
Ré / cu / pé / rés
Gabriel et Kronos accompagnent Adeline dans sa marche.
Gabriel - Chemine Chemine
Cette foule
Corps griffé du travail des usines
Ce raisin de Résistance.
Kronos - Chemine Chemine
Cette houle sans cesse
interroge et meurt.
(Adeline continue davancer lentement.)
Adeline - Jexplore lentement mon visage de femme
En mon corps
En moi
Le souvenir de lINOUI.
Gabriel - Il y a des prisons, des caniveaux et des consommateurs
Ex - Il y a des défilés, des tanks et des meetings armés.
Kronos - Il y a ....
Fin de la marche dAdeline et présentation des personnages immobilisés.
face aux spectateurs, une lumière sur elle.
Adeline -
Dis, dis, reconnais moi,
Je suis Adeline, la jeune fille,
Je suis la bouquetière du café saint Martin.
Je prends forme,
A ta rencontre je vais.
Le jour à peine levé
Je me glisse furtive
vers la bâtisse de briques,
Les femmes portent les offrandes
puis entassent les pierres.
Mes lèvres portent lenfant,
Je marche
doucement
certainement
Vers.
Les trois autres personnages se tiennent debout en différents endroits de lespace, comme en écho à Adeline.
Gabriel -
Je suis lange Gabriel
le mannequin la morte
vendu sous cellophane
à la vitrine du Magasin,
et aussi le responsable du HLM Bloc 12 Zone sud.
Exterminateur -
Je suis le Grand magasin
et aussi le clown
pour lexplicitation.
Kronos -
Je suis Kronos, le temps,
le vagabond ancien.
Autour se meuvent les ombres et les feux,
Les arbres et leurs visions de ventres,
Les formes surhumaines
Et leurs cantiques de cris.
En moi les mythes se vivent et se déciment.
A laube
Je ne sais plus,
Je te salue Adeline.
CHANGEMENT
Les coulisses du théâtre sont celles du Magasin.
Ils sont devenus des vendeurs et des étalagistes du magasin.
Les acteurs poussent des chariots détalage.
Exterminateur - Nous sommes actuellement dans les sous-sols du GRAND MAGASIN.
(Il est devenu un petit chef, ladjoint à la direction et à la communication)
Gabriel- Les changements sont immanents.
Adeline - Les changements du mercredi en jeudi
et du jeudi en mercredi.
Kronos - Les changements monotones du quotidien
défilent de bouches en bouches
sur les blessures que traînent
un chariot vide
plein de cartes perforées
empilées à létalage.
Adeline - Se changer, porter le petit à la crèche
puis vendre à bouffer aux ménagères attardées.
Gabriel - Tous les jours Hop je change,
dun produit à un autre,
tous les jours javale
la salive, les mégots, et les bouteilles sales.
Kronos- On travaille au rendement, en suivant linflation
La mort rentre par les chaussures.
Exterminateur - Notre stock dhiver inchangé refluera discrètement sur notre stock dété asséché
qui sécouleront ensemble vers les changements successifs du vide ordure de légout et de la
décharge municipale.
Kronos - Le changement de ma vie en théâtre illumine ma profession dune lueur insondable.
Adeline - Puis soudain les traites non traitées malourdissent de leurs souffrances.
Gabriel - Je dévisage la rue, les passants, leurs passages passagers,
je ne sais plus lheure , vous savez?
Exterminateur - Il est huit heures, mais désormais, il sera dix heures moins le quart.
Kronos - CHANGEMENT
Les acteurs ne dialoguent plus, ils circulent avec leurs chariots, lentement, senfonçant dans leur rêve.
Les monologues construisent des espaces simultanés, ceux dAdeline , de Gabriel et de Kronos sont repris au moins une fois, les voix se superposent.
Adeline -
Le magasin pivote
très lentement absorbe
les processions
les catafalques un cheval morgue
une fille sur un toit
bleu ventre bat artère
boit cendre boit lèvre
membrase ce fleuve mots
je magrippe
je me frappe
je me flappe
je me lape
je me change et mens.
Kronos -
Les changements monotones du quotidien
défilent de bouches en bouches
sur les blessures que traînent
un chariot vide
plein de cartes perforées
empilées à létalage
souvenir de lamitié
groupusculaire îlot
damours libres quun soldat tranche
dun coup de tempe
soleil industriel
clé dun paradis
qui nexista
jamais
Gabriel -
Dans les rigoles
Jai jeté ma maison
Dun coup de rêve
Toutes les traces de neige
Et les traces dhier
Exterminateur -
Les changements progressifs drainent le rythme des saisons
A moins quun insolent tremblement ne vienne en démolir les fondements
Justement, remarquez, cette machine qui le tond
Deux temps vroom
Et vous nentendrez plus
ni martinets ni moineaux
ni au théâtre ce soir
Seul
le bourdonnement tranquille
des vendeurs à la vente
qui piaillent au nez des passants.
Tous les quatre:
NOUS SOMMES DANS LES COULOIRS DU GRAND MAGASIN
Kronos - La représentation dans un instant
Adeline - Profitez de ce répit pour changer de soulier
Gabriel - Pour vous balader
Exterminateur - Noubliez pas la caisse non plus.
( musique de changement et transformation du lieu avec linstallation dune petite estrade/ proposition de confiseries diverses et aussi de soldes exceptionnelles aux spectateurs.)
LA BALLADE DU GRAND MAGASIN
Exterminateur: Directeur et clown blanc
Kronos: Animateur avec micro
Gabriel: Mannequin
Adeline: Cliente
BALLADE
Kronos - (sur lestrade en présentateur de la petite parade commerciale)
Approchez éloignez
Mesdames et Messieurs
Maris et marionnettes,
Demain sera lintelligence,
Masques et bergamasques
dune souris morte.
Adeline - (dans la salle assise parmi le public)
Défunte (chantée et ironique)
Kronos - Demain et dès aujourdhui, ce soir,
Accordons nos montres.
Les rayons du soleil noir viendront pourrir
sur nos plages les torses
bronzés de gazole.
Extatiques retorses
et tempêtes sous un petit crâne.
Adeline - Je nai pas bien compris.
Kronos - ça ne fait rien, ça ne fait rien,
Je vous ai vue Mademoiselle,
Montez sur le podium.
Gabriel - (en ange mannequin enveloppé de plastique à côté de la scène)-
Cest ses premiers débuts.
Adeline (arrivée sur la scène) -
Oui, cest vraiment mon début.
Kronos - Déroulez le fil.
(Elle avale le fil du micro devenu fil de laine et fil dAriane, elle le recrache et doit ensuite sauter à la corde avec!)
Exterminateur - Une fois, deux fois , trois fois, hop
Kronos -
Vous avez gagné
Un voyage en Mozambique
Un pyjama pour deux dorgandi
Cest vraiment de la chance.
Exterminateur - Et cest pas fini,
Vous êtes née dans le super Magasin,
La vitrine en plastique,
Vous avez le droit de tout connaître.
Adeline - Je suis vraiment heureuse !
Exterminateur - Le Grand Magasin résorbe les crises les plus soudaines et les plus engluées.
De quoi avez-vous peur ?
Adeline - La mort, la mort, je suis immortelle.
Kronos - La question est mal posée.
Exterminateur - Mais non idiot, nous avons réponse à tout, apportez le costume.
Kronos - Le super costume ultra décolletée " Main douvrière " bleu parme.
Adeline - Jai froid.
Exterminateur - Cest parce que vous navez pas mis mes lunettes framboises.
(tous mettent des lunettes rose fluo ; énormes lunettes fluo dans les airs.)
Adeline - Cest vrai, jai froid, je ne vois rien,
ma peau est noire, je suis sans racine.
Kronos - Hop ! Ne restez surtout pas sans rien faire,
Tenez, faites marcher cette moulinette!,
Pensez aux millions de ménagères qui vous écoutent
qui croient en Vous.
Gabriel - Cest vrai, je crois en toi,
moi de lautre côté de ce miroir,
moi le prisonnier de ma race, de ma révolte, de ma cité, de mon appart,
moi le prisonnier de mon hiver, de ma fonction, de mon langage.
Jai vu ton image
Je tattendrai
Ah! de lautre côté.
Adeline - (faisant marcher la moulinette)
Cest simple, il suffit Cil !
de quelques mouvements
et de battre des mains.
Kronos - Mon ironie est en dix mille
mon locataire est en croisière
ma logique est en haillons
mais lethnologie est en progrès.
Exterminateur - Dici une vingtaine dannées, on pourra considérer quil ny aura plus de
groupements humains capables déchapper à notre système particulier déconomie générale. Ils
auront été parfaitement intégrés ou éparpillés ou exterminés, cest du moins ce que jessaie de vous
faire croire.
Gabriel (à Adeline) -
Il suffit que je te devine,
une chanson est en toi,
cest une nef qui vogue vers moi.
Exterminateur (à Gabriel) -
Toi, tu nexistes même pas.
Je tai ainsi conduit
quau détour de ta prison
tu nas quà lécher mon filet.
Adeline revient sur le podium, elle porte " le super costume main douvrière bleu parme", elle passe en tournant comme le font les mannequins.
Kronos - Limage de notre lauréate en sa nudité astrale,
Dites quelques mots.
Adeline - Cest un grand jour pour moi.
Exterminateur - Jen profite pour annoncer que le Grand Magasin
vibrant hommage dune gestion capable,
vient de réélire démocratiquement son conseil dadministration
qui se sont élus eux-mêmes et ce, pour quatre vingt dix neuf ans.
Adeline - Zut, zut, ma godasse qui se casse.
Kronos - Jetez là, on vous en fournira une autre
(Une énorme chaussure apparaît et lemporte).
Gabriel - Je proteste, je proteste.
Exterminateur - Silence, ou le procès aura lieu à huis clos.
Gabriel - Cette parole qui séchappe
aux quatre coins du monde
rebondit comme un boomerang
et me fracasse loreille.
Kronos - (sasseyant )
Ouf, crevé , reposons nous
Exterminateur - Le super Magasin jamais ne sarrête.
Kronos - Cest pourtant lheure de la pause.
Adeline (change de costume et se rapproche de Gabriel.)
Mon amour je nen puis plus,
Je rêve dêtre cet objet dor.
Gabriel - Je nen puis plus en mon rôle de chien.
Oui, je suis seul, je suis moche, je suis sans diplôme
et surtout je narrive plus à être dans cette
AGRESSION DYNAMIQUE.
La BALLADE continue mais cest une deuxième partie au rythme légèrement différent qui sorganise autour du thème de lAGRESSION DYNAMIQUE.(1)
Exterminateur - En un mot comme en cent
la puissance est celle de la croissance,
la croissance suppose la genèse,
la vieillesse et le progrès.
Adeline - Le progrès est infini
cest marqué dans le programme
Kronos - Jai construit 20 avions
jen construirai 20000
Gabriel - 10 Millions
Exterminateur - 20 Milliards
Jinonderai le ciel dune pluie de bombardiers géants.
Adeline - Les déserts deviendront des porte-avions gonflables.
Kronos - Avec ça, le peuple, il sera content.
Gabriel - Dessaisi de lui-même, les yeux convulsés de progrès sur toute la planète.
Adeline - Le nationalisme éclatera au profit de la lutte internationale de la valeur marchande.
Exterminateur - qui naturellement engendrera des GUERRES
Kronos - venues de limpuissance.
Gabriel - Illustration dynamique et exemplaire.
Agression dynamique 2.
Pour cette illustration, tous se regroupent chantant et dansant une sorte de petit music hall, avec quelques déguisements.
Exterminateur - Jai une lunette
Kronos - Jai une vieille braguette
Gabriel - Moi, une grand-mère
Adeline - Je suis tragique
Exterminateur - Jai une bonbonne dHallucinogène
Gabriel - Je fais de la propagande pour les partouzes à sept
Kronos - Je cultive du H dans mon jardinet
Exterminateur - Moi, jai tout refilé à larmée
Adeline - qui la revendu en parcelles
Gabriel - à différents acheteurs de Camargue et de Jamaïque.
Kronos - qui se sont faits plein de flouze
Exterminateur - Attendez !
Agression dynamique (3)
(Les échanges se ralentissent, effort dexplication, intention didactique.)
Exterminateur -
Jai une paire de lunettes
Il y a 20000 chômeurs.
Adeline - parqués dans des conditions déplorables.
Exterminateur - Un chômeur cest pas un homme, cest rien, cest de lêtre vivant.
Gabriel - Cest pas du social, cest de la biologie.
Adeline - Crevons le biologique!
Exterminateur - Je construis une usine de 20000 personnes
Jai des personnes, jai des hommes,
Jai une dynamique sociale et porteuse de lunettes avec çà
Jai 20000 myopes tous équipés de chaussures.
Kronos - Tiens ! moi, je fais des godasses
Exterminateur - Je vous en achète 40000
Kronos - Mais il me faut 20000 personnes pour vous les produire !
Exterminateur - Appelez linterurbain et commandez en 25000
Kronos - Allô, urbain, avez-vous 25000 biologiques?
Adeline - (voix dhôtesse daccueil)
25000 équipés de barre de fer
viennent de passer la frontière.
Ce sont des bons à rien.
Ex et Kronos apeurés -
Recrutons dabord les cadres.
Kronos - Allô Franklin? Tiens ! Bonjour, euh,
Avez-vous 2000 escorteurs pour 40000 gredins?
Exterminateur (dansant) -
Messieurs, Messieurs, cest de la dynamique de groupes en groupes.
Kronos -
Javais 20000 soldats,
il men reste 200.
Faites venir les biologiques.
Adeline - Nous aurons bientôt des pondeuses électriques
Exterminateur - Lessentiel voyez vous, cest de maintenir un certain équilibre entre la reproduction et la distribution.
Kronos - Entre la concentration et la sublimation.
Gabriel - Dieu, prête moi 1000 balles
Exterminateur - Moi, je jen filerai 2000, si tu men convertis 10 000 de ces sauvages
Kronos - Moi , je ten filerai 5000, si tu lui fais la peau à ce salaud!
Gabriel ( poursuivant E ) -
Je taurai , missionnaire atholique.
Adeline - Dernier communiqué:
Un ministre électrocuté par un manifestant manifestement antiatholique
On craint des cas de surmenage esthétique.
Agression dynamique 4.
Les acteurs se préparent pour une sorte de course, comme un débarquement de guerre.
Gabriel - Ultime sursaut
lAgression dynamique a débarqué sur nos plages.
Tous - Alerte Alerte
Exterminateur - La radio doit être bâillonnée.
Kronos - Enterrons nous dans des blockhaus dynamiques.
Exterminateur - Jen ai deux mille
Kronos - Les japonais sont bien meilleurs.
Exterminateur - Les australiens cest bien mieux.
Adeline - Messieurs Messieurs!
Kronos - Et maintenant , à vos marques
(Ils se mettent en ligne comme pour le départ dune course, Gabriel les arrête.)
Gabriel - Je voulais dénoncer cet absurde pari
qui des pauvres fera des plus pauvres.
Exterminateur - Mêlez vous de ce qui vous regarde vous.
Adeline - Lhomme est fait pour changer.
Gabriel -
(embarqué par les autres dans un chariot où il est accroché comme il est dit.)
A coups de pics et de barres de fer
Jai accroché le prisonnier,
Le voleur, le coupable, le rebut,
Les bras en croix dans le car du flic,
Et je lai emmené dans les prisons
qui lui convenaient.
Kronos - Désormais les prisonniers participeront au grand bond en avant de notre économie qui,
dalpestre, redeviendra rurale.
Exterminateur - lAgriculrut sera laffaire de tous.
Adeline - Les poètes surpris par le rythme social
sassassineront mutuellement de leurs révélations.