Traces d'une rencontre entre Eugène Guillevic et la langue allemande, sa reconnaissance et son admiration constante des grands poètes Trackle, Heine, et Hölderlin.

Guillevic a retravaillé régulièrement ses traductions, en particulier le poème
"Aux Parques"d'Hölderlin,

efforts renouvelés pour restituer un poème qu'il se répétait comme une prière, prière qu'il répétait dans un élan sincère, parfois en public, ou pour lui-même et à ses proches, poème qui révère le poème, poème qui appelle le poème.

La voix grave et rugueuse de Guillevic résonne dans le coeur de ses amis, récitant ce chant qu'il avait remodelé, c'était son credo, sa prière, c'était une transmission de poète à poète

Merci à lui d'en avoir sculpté une traduction aussi intense, aussi créatrice.

 

                              

Hölderlin 1770-1843

 

        An die Parzen

 

Nur Einen Sommer gönnt, ihr Gewaltigen!
 Und einen Herbst zu reifem Gesange mir,
    Daß williger mein Herz, vom süßen
       Spiele gesättiget, dann mir sterbe

Die Seele, der im Leben ihr göttlich Recht
 Nicht ward, sie ruht auch drunten im Orkus nicht;
    Doch ist mir einst das Heil'ge, das am

       Herzen mir liegt, das Gedicht, gelungen;

Willkommen dann, o Stille des Schattenwelt !
 Zufrieden bin ich, wenn auch mein Saitenspiel
    Mich nicht hinab geleitet ; Einmal
       Lebt ich, wie Götter, und mehr bedarfs nicht.
 

1798/1799

 

 

Traductions de GUILLEVIC de 1965 à ?

 

 

Aux Parques

 

Accordez-moi rien qu'un été, Puissantes,

Et l'automne où mûrir mon chant,

Pour qu'alors assouvi du délectable jeu,

Plus volontiers meure mon cœur.

 

L'âme qui dans la vie n'eut pas son droit divin,

N'aura pas de repos non plus dans les Enfers.

Mais si, un jour, il m'est donné de réussir

Ce que j'ai de sacré dans le cœur, le poème.

 

Sois alors bienvenu, ô calme du royaume des ombres!

En moi sera la paix, et même si ma lyre

Ne m'y a pas conduit : une fois j'aurai vécu

Comme vivent les dieux et il n'en faut pas davantage.

 

 

Aux Parques

 

Accordez-moi, puissantes, un seul été

Et un automne où mûrir mon chant,

Pour qu'alors, assouvi par le plus doux des jeux,

Plus volontiers meure mon cœur.

 

L'âme qui dans la vie n'eut pas son droit divin,

Là-bas non plus n'aura pas de repos, dans l'Erèbe;

Mais si, un jour, ce qui est mon désir,

Si ce qui est sacré s'accomplit, le poème,

 

Bienvenue à toi, calme pays des ombres.

Tu me verras content, si même alors mon chant

Ne m'accompagne pas. Une fois j'aurai vécu

Comme vivent les dieux. Il n'en faut pas davantage.

 

Guillevic. publié dans FLORILEGES.PAP.1991

Poèmes Hölderlin/ Heine/Rilke/ Trakl

 

 

Aux Parques

 

Accordez- moi rien qu'un été, Puissantes,

Et l'automne où mûrir mon chant,

Pour qu'alors assouvi par le plus doux des jeux,

Plus volontiers meure mon cœur.

 

L'âme qui dans la vie n'eut pas sa part divine

N'aura pas de repos non plus dans les Enfers,

Mais s'il m'était donné de réussir

Ce que j'ai de sacré dans le cœur, le poème,

 

Sois alors bienvenu ô calme du royaume des ombres,

Et même si mon luth ne m'accompagne pas,

Une fois j'aurai vécu comme vivent les dieux,

Il n'en fallait pas davantage.

 

Publié dans Revue EUROPE, n°851/ mars 2000

© tous droits réservés, Dérives, anton alain

 

Georg Trackl  traduction de Guillevic