GUILLEVIC

 

 

CIELS DU QUOTIDIEN

 

 

1

Ce qui dans la pleine nuit

Te manque

Ce n'est pas que la lumière,

 

Mais cette espèce de plafond

Qui dans le jour forme le ciel.

 

Cette absence

Gonfle l'immensité,

Te diminue encore,

 

Te voici fourmi

Sans fourmilière,

 

Egaré comme dans un néant.

 

24.01.95

 

 

2

Crois-tu

Etre le bienvenu

Dans cette nuit pas trop noire

Où la lune épouse un grand nuage

 

Et de contentement

Se prépare à sourire ?

 

Tout ce à quoi

Tu dois te mêler

Paraît te signifier :

Tu es étranger

 

Mais tu n'abdiques pas,

Tu veux te faire aimer.

 

29.01.95

 

3

Laisse-moi tranquille, ciel,

Ce matin !

 

Tu m'occupes trop

Tous les jours

Et je ne sais pourquoi.

 

Garde-moi ce plaisir

D'être d'azur en mon domaine

 

Et ne m'empêche pas

De faire dans les sentiers terrestres

Ce qui m'incombe.

 

Ne me traite pas en égal,

Je suis bien autre chose.

 

30.01.95

 

4

Je n'ai pas vu

Le ciel se rassembler,

Prendre corps

Pour cracher cet éclair

 

Qui fait sur la terre

Tomber l'incendie

Puis, saisi de remords,

Se livre en pluie.

 

Et nous, les hommes,

Nous subissons

Et c'est permanent _

Jusqu'à quand ?

 

31.01.95

 

5

Je regarde le ciel,

Nuageux,

Gris, pas amical

 

Comme si j'espérais

Qu'il réponde à mon regard

Par quelque chose

Qui soit un regard.

 

_ Je sais, cela

Ne se produira pas

Et pourtant je persévère.

 

31.01.95

 

6

Lune , astre mort,

 

Qu'est-ce que j'ai avec toi

Et toi avec moi ?

 

Jusqu'à présent,

Tu ne m'avais guère tracassé.

 

Qu'est-ce qui nous prend ?

Est-ce que je vis maintenant

 

Ce qui sera la fin

De mon rayonnement ?

 

Que je vais te ressembler,

Sauf que moi

 

J'aurai disparu ?

 

13.03.095

 

7

Le noir

N'a jamais envie

De sortir de lui-même,

 

En lui-même,

Il se possède,

Il est content de lui.

 

Il n'abuse personne

Et de lui nul ne peut abuser.

 

Quand on veut l'attaquer

Il serre son être plus encore.

 

Il sait qu'il gagnera toujours

Mais il n'a pas

Le goût de provoquer.

 

L'essentiel est

De savoir ne rien devoir

Pas même à soi.

 

13.01.96

 

8

Non, ciel,

Je ne suis pas à toi,

 

Bien plus à cette terre labourée

Où mes frères les hommes

Ne cessent de marquer

Notre liaison productrice

Avec ce qu'il nous faut

Pour vivre.

 

Toi, travaille, ton triomphe

n'est pas acquis.

 

10.02.96

 

9

Ce n'est quand même pas moi

 

Qui fais ce matin

Trembler le ciel

Enfin devenu ciel

 

Mais dont il faut croire

Qu'il doute encore de lui.

 

Il ne répond rien

Et ce sera pour toujours.

Je suis en trop pour lui.

 

Vive notre terre. Salut !

 

8.06.96.

 

10

Ciel,

Tu ne peux pas te sentir à l'aise ?

 

C'est l'orage qui apparaît

Et tu le crains.

Il n'y a pas que toi?.

 

Tout ici craint d'être attaqué,

Enflammé,

 

De devenir fantôme,

Fantôme tremblant

 

Comme creusé par une vrille,

Puis incendié.

 

Ici, je suis le seul

Qui n'aie pas peur

Et encore !

 

Va savoir _

Tout va peut-être brûler.

Moi aussi.

 

11.06.96

 

© tous droits réservés, Dérives, /
Lucie Albertini.Guillevic

 

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