Cet article a été originellement écrit pour la communication au colloque Yourcenar organisé par Ana Medeiros en été 1997, à Kent University at Canterbury, Angleterre. Puis il a été publié dans les actes du colloque Ecritures de l'exil(Académia Bruylant). La mise en page est légèrement modifiée.

Les chiffres renvoient aux notes de la fin du texte.

La liste des haiku de Basho auxquels Yourcenar fait référence dans son article, présentée lors de la communication, mais non publiée se trouve ici.


Marguerite Youcenar sur La Sente Etroite du Bout-du-Monde de Bashô Matsuo*



par Osamu Hayashi



Nous connaissons bien l'intérêt de Marguerite Yourcenar pour la littérature japonaise. Deux écrivains en particulier ont marqué sa vie littéraire: Murasaki-shikibu, l'auteur du Dit du Genji (Genji monogatari), qui a inspiré à Yourcenar la nouvelle Le Dernier Amour du Prince Genghi 1 , et Yukio Mishima sur qui elle a écrit l'essai Mishima ou la Vision du Vide.

Le troisième écrivain serait Bashô Matsuo (1644-1694), poète de haïku de la fin du dix-septième siècle. Yourcenar a fait preuve de son intérêt pour Bashô pendant son séjour au Japon en 1982. D'abord par le voyage en hommage à son souvenir. Avec ses deux compagnons de route, Jerry Wilson et Tsutomu Iwasaki, Yourcenar a voyagé pendant quatre jours dans les provinces du Nord. C'était un voyage, d'après les dires de Monsieur Iwasaki, que Yourcenar a elle-même souhaité; elle a souhaité retracer, même partiellement, le voyage de Bashô, voyage qu'il raconte dans La sente étroite du bout-du-monde 2. Puis, par la rédaction de l'article "Basho sur la Route"3 , recueilli dans son ouvrage posthume Le Tour de la Prison.

D'où vient tant d'intérêt pour Bashô? Nous ne savons ni quand ni comment Yourcenar a découvert ce poète japonais. 4 Dans la présente étude, nous tenterons d'entrevoir Bashô à la lumière yourcenarienne, afin de mieux comprendre la sympathie entre ces deux artistes pourtant séparés l'un de l'autre dans le temps et dans l'espace. Et, pour ce faire, nous allons partir de la notion-clé de notre rencontre: l'exil.

 

 

C'est en 1689, à l'âge de quarante-cinq ans, que Bashô entreprend le voyage de La sente étroite du bout-du-monde. Le voyage commence justement sous le signe de l'exil. À la première page de La sente étroite, le poète décrit son départ:

 

[À] l'heure où le ciel vaguement s'éclaire d'une brumeuse lueur (akebono non sora rôrô to shite), dans la clarté évanescente du croissant de lune déclinant (tsuki wa ariake nite), la cime du Fuji obscurément (kasuka ni) se devine, les rameaux fleuris (hana no kozue) d'Uéno, de Yatani, quelque jour de nouveau...? me dis-je et mon coeur se serre. Tout ce que je compte d'amis chers, dès hier soir assemblés, avec moi embarqués m'escortent. Au lieu dit Senju je quitte la barque et dès lors, la pensée des trois mille lieues (san zen ri) de route qui m'attendent envahit mon coeur, au carrefour des illusions nous répandons les larmes de la séparation.5

 

Ici Bashô fait référence au Dit du Genji de Murasaki-shikibu, plus précisément au chapitre "Suma", le fameux chapitre où le prince Genji part en exil:

 

La lune, tard levée, donnait une plaisante clarté. (akenukereba, yoru fukaku idetamôni, ariake no tsuki ito okashi.) Les arbres fleuris (hana no ki domo) avaient de peu dépassé l'heure de leur splendeur et, sur le jardin tout blanc sous leur ombre clairsemée, flottait un léger brouillard (sokohakatonaku kasumi aite) /.../.6

 

Il se retourna et vit /.../ les montagnes, au loin, couvertes de brume (kasumi); il comprit alors ce que signifiait, en vérité, "par-delà trois mille lieues (san zen ri)"/.../. 7

 

Par la comparaison de son voyage à l'exil de Genji, il insiste ainsi, non seulement sur la tristesse du départ et de la séparation, mais encore sur le besoin, plus que le désir, du voyage, qui, chez lui, était étroitement lié à un projet artistique.

Il n'est pas étonnant que Yourcenar a reconnu chez Bashô l'image, par exemple, de Zénon de L'Oeuvre au noir. Certes, Bashô n'était pas un grand voyageur comme Zénon. Mais, tout comme cet alchimiste occidental, le poète japonais a voyagé pour l'accomplissement de son art et il voyait dans le voyage une mission artistique.

 

Pour comprendre cette mission, nous allons nous attarder sur la retraite que Bashô a entreprise en 1680, quatre ans avant son premier voyage.

Alors qu'il était déjà maître célèbre de haïku à Édo (= Tokyo), il choisit ainsi d'abandonner sa carrière professionnelle pour s'installer dans une maison de banlieue qu'il nomme "Ermitage au bananier (Bashô-an)". Il éprouvait le besoin de s'éloigner du "monde vulgaire" des bourgeois et des samouraïs, où le haïku n'était plus considéré comme un art, mais comme un simple divertissement. Son exil volontaire était par ailleurs inspiré du désir de se distinguer du monde littéraire dominé, à l'époque, par le maître Sôïn Nishiyama (1605-1682) et son école Danrin. La caractéristique de cette école consistait en la poursuite de la fantaisie, sinon du fantasque, par le traitement non moins fantaisiste des mots et du style. Bien qu'il ait été influencé par l'école Danrin, Bashô ressentait la nécessité de sortir son art de la simple recherche des effets superficiels et de vivre l'art pour l'art, vivre, selon son expression, la "Voie de l'élégance (fûga no michi)".

Dans l'un de ses écrits, Bashô résume son principe de vie en cette formule: "Ne suivre aucune loi religieuse, ni n'observer aucune coutume populaire"8. En tant que signe précurseur du voyage, la retraite était déjà une forme d'exil artistique, c'est-à-dire, de libération de l'art et de la vie, d'une coutume, d'un préjugé ou d'une idéologie du monde populaire.

 

Là où Bashô pense à l'exil, Yourcenar pense au "tour de la prison". Tout le monde connaît cette fameuse phrase de Zénon: "Qui serait assez insensé pour mourir sans avoir fait au moins le tour de sa prison?" L'expression prison fait penser à l'enfermement, la claustration, la contrainte... toutes ces notions qui sont contraires à la liberté que symbolise un grand voyage. Pourtant nous savons -- et nous croyons que Yourcenar en était bien consciente -- que, pour faire le tour de la prison, il faut être sorti de la cellule. En ce sens, la prison offre un espace de liberté, certes conditionnelle, mais au moins plus grande que la cellule. (S'il y a une ironie dans L'Oeuvre au noir, c'est que Zénon, qui a tenté toute sa vie de faire le tour de sa prison, termine sa vie dans une petite cellule de Bruges...)

 

 

Selon Yourcenar, le voyage de Zénon était une expérience non seulement spatiale, mais aussi temporelle. Elle dit que l'un de ses buts était la "recherche passionnée de tous les modes de la connaissance -- pour lui surtout métaphysique et alchimique -- que les siècles ont accumulée sur certains points du monde plus qu'ailleurs"9. Pour Bashô aussi, sa retraite ainsi que ses voyages -- surtout celui de La sente étroite -- étaient un exil à la fois dans l'espace et dans le temps.

Il faut savoir que la retraite et les voyages de Bashô étaient constamment sous-tendus par l'amour pour d'anciens poètes. Pour rendre au haïku son ancien statut en tant qu'art, le poète se tournait vers d'anciens poètes chinois et japonais. On dit que c'est à l'exemple des poètes chinois qu'il a choisi la retraite. On dit aussi qu'il a entrepris le voyage de La Sente étroite pour fêter la cinq-centième anniversaire de la mort du poète japonais Saïgyô (1118-1190). En effet, le trajet du voyage s'organisait autour des lieux et des sites jadis célébrés par Saïgyô et d'autres poètes.

Ici le voyage de Bashô rejoint le voyage de Yourcenar. Comme Yourcenar a cherché sur La sente étroite du Japon la trace de Bashô, Bashô a cherché dans son voyage la trace de ses anciens. Ce qu'ils cherchaient chacun dans leur voyage n'était pas du simple mimétisme. Leur but était d'entrer en contact avec les âmes des anciens et d'affirmer dans ce contact leur propre identité en tant qu'artiste.

Citons ici les premières phrases de La sente étroite, les mêmes phrases que Yourcenar cite au début de son article, dans sa propre traduction de l'anglais:

 

Le jour et la nuit sont les voyageurs de l'éternité... Ceux qui pilotent un bac ou mènent tous les jours leur cheval aux champs jusqu'à ce qu'ils succombent sous la vieillesse voyagent aussi continuellement. Bien des hommes de l'ancien temps sont morts sur les routes. J'ai été tenté à mon tour par le vent qui déplace les nuages, et pris du désir de voyager aussi.10

 

Ces "hommes de l'ancien temps" sont des poètes chinois comme Li Bai (701-762) et Du Fu (712-770), et japonais comme Saïgyô et Sôgi (1421-1502), tous morts en voyage. Par le voyage, Bashô voulait partager leur sort, et Yourcenar celui de Bashô. Ce n'est pas qu'ils voulaient mourir sur la route. Mais, comme les anciens poètes l'avaient fait, ils désiraient vivre comme le "jour et la nuit" et rejoindre leur changement perpétuel.

Pour Bashô, le changement perpétuel est le principe fondamental de l'univers. La vie dans ce principe est la vie la plus pure d'où naîtra l'art le plus pur. Et cette vie, c'est le voyage seul qui permettra de la vivre.

Rappelons-nous ici le titre que Yourcenar a donné à son recueil de trois récits: Comme l'Eau qui Coule. Ce titre qui transcrit la métaphore de l'univers et de la vie humaine continuellement changeantes, nous rappelle -- au moins aux lecteurs japonais et japonisants -- ce fameux début de l'essai de Kamo-no-Chômei (1155-1216), Les Notes de l'Ermitage (Hôjôki) :

 

Les cours de la rivière qui va jamais ne tarit, et pourtant ce n'est jamais la même eau. L'écume qui flotte sur les eaux dormantes tantôt se dissout, tantôt se reforme, et il n'est d'exemple que longtemps elle ait dure. Pareillement advient-il des hommes et des demeures qui sont en ce monde.11

 

Ici les "cours de la rivière qui va" sont opposés au changement perpétuel de l'eau, des hommes et des demeures. Et c'est autour de cette problématique des "cours de la rivière" qui ne changent pas, autrement dit, la problématique de l'immuabilité, voire de l'immortalité, que tourne la recherche artistique de Bashô.

 

 

Qu'est-ce qui ne change pas dans cet univers? Telle aurait été la question que Bashô s'est posée en chemin. Yourcenar dit à propos de Bashô:"[U]n poète si à l'aise dans l'instantané ne peut que tenir compte de ces millions d'instants déjà vécus et qui restent présents tant qu'un souvenir ou un effet en subsiste."12 En effet, la sensibilité à l'instant et à sa beauté reflétait toujours chez Bashô sa conscience sur la question de mortalité et d'immortalité.

Citons comme exemple l'un de ses haïku, intitulé "Chanté sur le Cheval", auquel Yourcenar fait référence dans son article:

 

Du bord du chemin

l'hibiscus par le cheval

s'est laissé brouter

 

Le poète est sur son cheval; tout à coup, le cheval aperçoit une fleur au bord du chemin, et il la dévore; surpris par le geste brusque de son cheval, le poète, lui aussi, aperçoit la fleur et sa beauté à l'instant même de sa disparition.

Ou ce haïku que Yourcenar cite à la fin de son article, dans sa propre traduction:

 

Sa mort prochaine

Rien ne la fait prévoir

Dans le chant de la cigale

 

Le chant de la cigale est d'autant plus beau et joyeux que je sais qu'il ne durera pas pour toujours. Dans les deux haïku, l'attention à l'instant de la vie de l'hibiscus ou de la cigale apparaît avec la reconnaissance de l'instantanéité de la vie elle-même.

Citons ce haïku qui est incontestablement le plus célèbre de Bashô:

 

Une vielle mare -- Une raine en vol plongeant et l'eau en rumeur13

 

Ici se manifestent à la fois la coexistence et l'opposition entre l'éternel (l'immuabilité de la vieille mare) et l'instantané (le "ploff!" de la grenouille). La vie de la grenouille montre sa beauté éphémère dans son opposition même à l'immuabilité de la vieille mare. Et c'est en apercevant cette beauté de la vie instantanée de la grenouille que le poète s'aperçoit de l'immuabilité, voire l'existence immortelle, de la vieille mare, qui pourtant se brise avec le "ploff!". Ainsi l'instant révèle au poète l'éternité, mais de manière contradictoire, sous forme de sa disparition, comme quelque chose impossible à atteindre.

Nous revenons ici à la notion de prison et d'exil, cette fois en tant que métaphore du temps. Tous les mortels sont prisonniers du temps. Qu'ils soient dans la cellule ou en exil, ils sont enfermés dans leur vie mortelle et instantanée. A jamais ils sont exclus du royaume de l'éternité et exilés dans le temps.

Yourcenar a connu sa déception dans le nord du Japon, quand elle a vu la distance qui sépare l'époque de Bashô du Japon moderne:

 

Pour suivre le pèlerinage de Bashô dans la campagne japonaise, il faut éliminer en esprit l'autoroute moderne qui coupe en deux les paysages d'autrefois, supprimer les grandes villes industrielles sur l'emplacement des rustiques barrières que peignit Hiroshige, et décupler ou centupler le temps par son pèlerinage.14

 

Bashô a connu la même déception. Sur l'ancien champ de bataille à Hiraizumi, il pleure à la pensée du sort des guerriers médiévaux et du temps qui a tout emporté avec lui.

 

Ainsi donc, l'élite des vassaux fidèles dans ce château s'était retranchée; mais le bruit de leurs exploits n'eut qu'un temps, et les herbes couvrent leurs traces. "L'État détruit, il reste monts et fleuves; sur les ruines du château, le printemps venu, l'herbe verdois", me récitai-je et, assis sur mon chapeau, oubliant le temps qui passe, je versai des larmes.

Herbes de l'été

des valeureux guerriers

trace d'un songe15

 

Devant les "herbes de l'été" qui recouvre maintenant l'ancien champ de bataille, Bashô se récite le poème de Du Fu, qui oppose la mortalité de l'homme et des affaires humaines à l'immortalité de la nature. Cependant le haïku de Bashô lui-même ne semble pas insister autant sur cette opposition. Plutôt, il contredit ici la pensée de Du Fu: il constate la mortalité commune à la nature et à l'homme, tout comme Yourcenar devant l'autoroute moderne japonaise.

Avant Hiraizumi, Bashô visite les vestiges du château Taga. Cette visite marque sans doute l'étape la plus importante de son voyage artistique. A Taga, le poète est impressionné surtout par une stèle datant du huitième siècle:

La stèle de Tsubo est haute d'un peu plus de six pieds, large d'un peu moins de trois pieds. En grattant la mousse, on distingue vaguement l'inscription. Elle indique la distance des frontières de la provence aux quatre horizons." Ce château, l'an premier de Jinki [724], noble homme Ono no Azumahito /.../ l'établit en ce lieu. L'an 6 de Tempyô-hôji [762], noble homme Émi no Asakari /.../ le restaura. Le premier de la douzième lune." Voilà ce qui est écrit. /.../ Depuis les temps anciens nombreux sont les lieux illustres qui ont inspiré les poètes, et dont nous parle la tradition; cependant des montagnes se sont écroulées, des rivières se sont formées, des routes ont changé de tracé, des pierres ont été enterrées et sont cachées de la terre, des arbres ont vieilli et fait place à des arbres jeunes, de sorte que, les temps étant changé et les âges révolus, les vestiges en sont toujours incertains, tandis qu'ici, un monument indiscutable de mille ans en cet instant dévoile à mes yeux l'esprit des Anciens. Vertu des pérégrinations, joie d'avoir vécu jusqu'à ce jour : oubliant les fatigues du voyage, j'en verse des larmes.16

 

Bashô comprend le tort de Du Fu; il comprend que la nature est aussi mortelle que l'État et le château. En même temps, il est ému par l'inscription sur la stèle. Car il comprend l'immortalité, sinon l'immuabilité, des mots écrits, qui fait de ce banal tableau de pierre un "monument indiscutable de mille ans (qui) en cet instant dévoile à /ses/ yeux l'esprit des Anciens".

La constatation de l'immuabilité de l'écrit permet à Bashô de sortir de sa prison et d'entrer en contact avec d'anciens poètes. Il comprend que c'est grâce à l'immuabilité de l'écrit qu'il peut connaître l'existence des anciens poètes et le fait qu'ils écrivaient comme il le fait maintenant. Ainsi, comme un effet boomerang, il parvient à se reconnaître lui-même comme leur semblable, c'est-à-dire comme un poète-écrivain.

Rappelons-nous ici que Yourcenar a démontré le même parcours à travers son écriture, par exemple dans Souvenirs Pieux.17 Ce qui permet à Yourcenar de connaître ses ascendants qu'elle n'a jamais connus, ce sont tous ces écrits, ces livres ou ces papiers (notamment ces souvenirs pieux) qui subsistent dans le temps. À travers ces écrits, elle reconnaît l'image de ses ascendants comme écrivains (non seulement des écrivains publiés comme Octave Pirmez ou Zoé, mais tous ceux qui ont écrit, comme Fernande qui avait tenté d'écrire une nouvelle ou Michel supposé être l'auteur du souvenir pieux de Fernande...). Finalement, c'est dans cette image d'écrivain qu'elle affirme le rapport de parenté à ses ascendants et qu'elle s'affirme elle-même comme écrivain.

 

 

En retraçant La Sente Étroite du nord du Japon, Yourcenar a certainement reconnu son rapport de parenté avec Bashô, le rapport lié par le même geste d'écriture et par le même amour pour l'écriture qui permet à l'homme de sortir de sa terre d'exil qui est la vie et de surpasser le temps et l'espace.

En guise de conclusion, je voudrais citer le titre d'un roman de Kazuo Ishiguro, écrivain anglais d'origine japonaise, qui a fait son étude en ces lieux, à Kent University: An artist of the floating world. Et c'est en pluralisant ce titre comme Artists of the floating world que je voudrais rendre hommage à l'heureuse sympathie entre nos deux artistes, Yourcenar et Bashô, qui se sont rencontrés sur la même route, la même sente étroite, qui mènent vers la région immuable qu'on appelle l'Art...

 

 


NOTES

 

* Je remercie Monsieur Tsutomu Iwasaki pour ses renseignements et ses souvenirs sur Yourcenar.

1. Contrairement à l'information courante, la nouvelle a été publiée, sous le même titre, dans Revue de Paris, t. 4 (15 août) 1937, pp.845-854.

2. Oku no hosomichi en japonais. Pour le voyage au Japon de Yourcenar, voir: Tsutomu IWASAKI, "Séjour au Japon de Marguerite Yourcenar" in Bulletin du CIDMY, No.8, 1996, pp.218-243.

3. M. Yourcenar, "Basho sur la route" in Essais et Mémoires, Gallimmard, Pléiade, pp.599-608. Dans Le Tour de la Prison (éd. 1991), le nom du poète est orthographié comme "Basho", non comme "Bashô". Selon l'usage de la transcription du japonais en français, c'est ce dernier que nous optons dans cette étude.

4. Les notes dans Le Tour de la prison (Gallimard 1991) n'indique qu'un seul livre: Anthology of Japanese Literature from the earliest era to the mid-nineteeth century, éditée par Donald Keene, Charles E. Tuttle Company, 1955. Pourtant, chez Yourcenar, il y a plus de références aux haïku qui ne sont pas présentés par D. Keene.

5. Bashô Matsuo, La sente étroite du bout-du-monde in Journaux de Voyage, P.O.F., 1976, pp.69-99: p.70.

6. Murasaki-shikibu, Le Dit du Genji, 2 vol., P.O.F., 1988: vol.1, p.250

7. id., vol.1, p.260

8. Cités par Shuichi Kato, in Histoire de la Littérature Japonaise, t. 2, Fayard, 1986. p.119

9. Yourcenar, op. cit., p.693

10. Traduit par Yourcenar in "Basho sur la route"

11. Kamo-no-Chômeï, Les Notes de l'Ermitage, P.O.F: p.17

12. Yourcenar, op.cit., p.600

13. trad. Etiemble in "Quelques mots sur les mythes européens du haïkaï-haiku" in Corps écrit, no 17, P.U.F., 1986, pp.49-56: p.55

14. Yourcenar, op. cit, p.699

15. Bashô, op. cit., p.83

16. Ibid., p.80

17. Cf. Osamu Hayashi, "Autobiographie et Roman Familial: À propos des Souvenirs Pieux de Marguerite Yourcenar" in Études de Langue et Littérature Françaises, No 72, Hakusuisha, Tokyo, 1998


ANNEXE

 

Haïku de Bashô, cités par Yourcenar dans son article

 

1/

Les herbes de l'été voici tout ce qui reste des rêves de guerriers morts (trad. Yourcenar)

 

Ah! les herbes de l'été! Et c'est tout ce qui reste du rêve des guerriers morts dans la bataille

(trad. Kuni Matsuo et Emile Steinilber-Oberlin)

 

Herbes de l'été des valeureux guerriers trace d'un songe (trad. Sieffert)

 

The summer grasses -- Of brave soldiers' dreams The aftermath (trad. Keene, 1955)

 

The summer grasses -- For many brave warriors The aftermath of dreams (trad. Keene, 1976)

 

 

2/

Cet homme ambulant, qui a intitulé l'un de ses essais Souvenirs d'un squelette exposé aux intempéries....(p.600)

 

Dussent blanchir mes os jusques en mon coeur le vent pénètre mon corps

(trad. Sieffert)

 

Bones exposed in a field -- At the thought, how the wind Bites into my flesh

(trad. Keene, 1976)

 

 

3/

l'octroi de Shitomae, où il partage une pièce au plancher de terre battue avec un cheval qui urine toute la nuit, et où les poux le dévorent jusqu'au petit matin(p.600)

 

Les poux et les puces et le cheval qui urine près de mon chevet (trad. Sieffert)

 

Plagued by fleas and lice I hear the horses staling -- What a place to sleep! (trad. Keene, 1955)

 

Plagued by fleas and lice I hear the horses staling -- Right by my pillow (trad. Keene)

 

 

4/

cette auberge où les murmures de deux courtisanes et d'un vieillard l'empêchent de dormir(pp.600-601)

 

Sous ce même toit des courtisanes aussi dorment lespédèze et lune (trad. Sieffert)

 

Under the same roof Prostitutes too were sleeping -- The moon and clover (trad. Keene, 1955)

 

5/

La vue de la pêche aux cormorans lui fait peine.(p.601)

 

Si gai au départ! si triste ensuite!... le bateau de cormorants (trad. Kuni Matsuo et Emile Steinilber-Oberlin)

 

Delightful, and yet Presently how saddening The cormorant boats (trad. Keene, 1976)

 

6/

Dans une crique, des pêcheurs ont disposé des pots où ils prennent les poulpes; enclos entre les parois de leur prison, ils font "un court rêve" avant d'être dépecés pour servir de nourritures(p.601)

 

Dans le piège le poulpe poursuit un songe vain lune d'été (trad. Sieffert, Le carnet de la hotte)

 

7/

un cheval arrache une à une, pour s'en repaître, les fleurs d'un arbuste(p.601)

 

Du bord du chemin l'hibiscus par le cheval s'est laissé brouter (trad. Sieffert)

 

Mallow flower By the side of the road Devoured by my horse (trad. Keene, 1976)

 

 

8/

Le plus illustre de ses haïku se contente d'évoquer le "ploff ! " de la grenouille dans l'étang, qui accroît encore, en l'interrompant un instant, cette liquide, cette muette sérénité.(p.601)

 

Une vielle mare -- Une raine en vol plongeant et l'eau en rumeur (trad. Etiemble)

 

The ancient pond -- A frog jumps in, The sound of water (trad. Keene, 1976)

 

 

9/

La nuit d'avant sa mort, Basho griffonna quelques lignes inachevées qui n'étaient pas à proprement parler le riturel "dernier poème" /.../. Il s'y montrait errant en rêve sur une lande automnale.(p.602)

 

Malade en chemin en rêve encor je parcours la lande desséchée (trad. Sieffert)

 

Stricken on a journey My dreams go wandering round Withered fields

(trad. Keene, 1976)

 

10/

On se sépare avec effort "comme si l'on arrachait les deux valves de l'habitat d'un mollusque".(p.602)

 

Parting for Futami Dividing like clam and shells, We go with fall (trad. Keene, 1976)

 

De la palourde les valves se séparent avec l'automne / pour Futami vous quitte (trad. Sieffert)

 

11/

Sa mort prochaine Rien ne la fait prévoir Dans le chant de la cigale (trad.Yourcenar)

 

 

REFERENCES

 

Kuni Matsuo et Emile Steinilber-Oberlin(1936), Haïkaï de Bashô et de ses disciples, Institut International de coopération Intellectuelle, Paris

 

Donald Keene (1955), Anthology of Japanese Literature from the Earliest Era to the Mid-Nineteeth Century, Charles E. Tuttle Company

 

Donald Keene (1976), World Within Walls, Holt, Rinehart and Winston, New York

 

René Sieffert(1976), Journaux de Voyage, trad. française par René Sieffert, P.O.F., 1976

 

Etiemble(1986), "Quelques mots sur les mythes européens du haïkaï-haiku" in Corps Ecrit, No.17, pp.49-56

 

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