ANTONIN ARTAUD(1896-1948)

les malades et les médecins  textes

Génie  pour  certains,  fou

pour  d'autres,  Artaud  fut  poète

auteur  et  metteur  en  scène  de

théâtre, comédien, plasticien, c'est-

à-dire un homme hors norme.

 

 

Les mots d’Artaud :

«  Comme  le  comporte  mon  état  civil,  je  suis  dit  être    le  4  septembre  1896  à  Marseille,  Bouches-du-Rhône,France… »

«Avec moi c'est l'absolu ou rien, et voilà ce que j'ai à dire à  ce monde qui n'a ni âme ni agar-agar.»

«Si je suis poète ou acteur ce n'est pas pour écrire ou pour déclamer des poésies, mais pour les vivre. »

«  Je ne  décrirai  donc  pas  un tableau  de  Van  Gogh  mais je  dirai  que  Van Gogh  est  peintre  parce  qu´il  récolte la nature,  qu´il  l´a  comme  transpirée  et  fait  suer,   qu´il  l´a  fait  gicler  en  faisceaux  sur  ses  toiles,  en  gerbe  comme monumentales de couleurs, le séculaire concasse d’éléments, l’épouvantable pression élémentaire d’apostrophes, de stries, de virgules, de barres dont on ne peut plus croire après lui que les aspects naturels ne soient faits. »

«Les asiles d'aliénés sont des réceptacles de magie noire, conscients et prémédités. »

«Les gens sont bêtes. La littérature vidée. Il n'y a plus rien ni per sonne, l'âme est insane, il n'y a plus d'amour, plus même de haine, tous les corps sont repus, les consciences résignées. Il n'y a même plus l'inquiétude qui a passé dans le vide  des os, il n'y a plus  qu'une immense satisfaction  d'inertes, de bœufs d'âme, de serfs de l'imbécillité qui les opprime  et  avec  laquelle ils n e  cessent  nuit et  jour  de  copuler,  de  serfs  aussi  plats  que cette  lettre    j'essaie  de manifester mon exaspération contre une vie menée par une bande d'insipides qui ont voulu à tous imposer leur haine de  la  poésie,  leur  amour  de  l'inepsie  bourgeoise  dans  un  monde  intégralement  embourgeoisé,  avec  tous  les ronronnements verbaux des soviets, de l'anarchie, du communisme, du socialisme, du radicalisme, des républiques,des monarchies, des églises, des rites, des rationnements, des contingentements, du marché noir, de la résistance.»

«Je ne suis né que de ma douleur.»

«Ce refus imbécile de s'avancer jusqu'aux idées»

« Jamais je ne pourrais faire un spectacle qui ne soit pas contaminé par ma vie. Je n’en serais pas capable. »

«  Je  n'aime  pas  les  poèmes  de  la  nourriture,  mais  les  poèmes  de  la  faim,  ceux  des  malades,  des  parias,  des empoisonnés, des suppliciés du langage qui sont en perte dans leurs écrits. »

« là où d'autres proposent des œuvres, je ne prétends pas autre chose que de montrer mon esprit ».

«Je suis un homme qui a beaucoup souffert de l’esprit et à ce titre j’ai le droit de parler.»

«Le suréalisme vint à moi à une époque où la vie avait parfaitement réussi à me lasser, à me desespérer et où il n ’y avait plus pour moi d’issue que dans la folie ou la  mort.

« L'asservissement à l'auteur, la soumission au texte, quel funèbre tableau ! Mais chaque texte a des possibilités infinies.

L'esprit et non la  lettre du texte ! Mais un texte demande plus que de l'analyse et de la pénétration. »

« Il faudrait changer la conformation de la salle et que la scène fût déplaçable suivant les besoins de l'action. Il faudrait également que le côté strictement spectacle du spectacle fût supprimé. On viendrait là non plus tellement pour voir, mais pour participer. Le public doit avoir la sensation qu'il pourrait sans opération très savante faire ce que les acteurs font. »

«  Nous  ne  sommes pas  libres. Et  le  ciel  peut  encore  nous  tomber  sur  la tête. Et le  théâtre  est  fait pour  nous apprendre d'abor d cela

. »

« J'ai pour  me guér ir du jugement des autres, toute la distance qui me sépare de moi-même. »

«Le théâtre c’est la  liber té, la liberté, la liberté. La liberté absolue dans la révolte.»

«Je ne suis pas  du tout Antonin Artaud de Marseille mais Antonin Artaud de l’éternité.»

 

Ce qu’on a dit d’Artaud :

« Peut-être était-il en plus grand conflit que nous tous avec la vie. Très beau, comme il était alors, en se déplaçant il entraînait avec  lui  un paysage  de roman noir, tout transpercé d'éclairs. Il était possédé par une sorte de fureur qui n'épargnait pour ainsi dire aucune des institutions humaines, mais qui pou vait,  à l'occasion, se résoudre en un  rire    tout  le  défi  de  la  jeunesse  passait.  N'empêche  que  cette  fureur,  par l'étonnante puissance de contagion dont elle disposait, a profondément influencé la démarche  surréaliste.  Elle  nous  a  enjoints,  autant  que  nous  étions,  de  prendre véritablement tous nos risques, d'attaquer nous-mêmes sans retenue ce que nous pouvions souffrir

André Breton

 

 

“Sa grande silhouette dégringandée, son visage consumé par la flamme intérieure, ses mains de qui se noie, soit tordues dans l'angoisse, soit le plus souvent enveloppant  étroitement  sa  face, la  cachant  et la  révelant  tour  à  tour,  tout en lui  racontait l’abominable détresse humaine, une sorte de damnation sans recours, sans échappement possible que dans un lyrisme forcené dont ne parvenaient au public que  des  éclats  orduriers,   imprécatoires  et  blasphématoires

André  Gide  sur  la

conférence du Vieux Colombier de 1947.

 

Artaud en dates :

1896 : naissance le 4 septembre d’Antonin Ar taud à Mar seille.

à Paris:

1922 : rencontre Charles Dullin et Jean-Louis B arrault.

1924 : fr équente le group e surr éaliste.

1926 : fon datio n du Théâtre Alfred Jarry.

Publie

l’Ombilic des Limbes

et le

Pèse-Nerfs.

1923-1935 : joue  dans 25 films dont

Napoléon

d’Albel Gance et

La passion de

Jeanne d’Arc

de Karl Dreyer.

1931 : choc de la découverte du théâtre balinais suite à une exposition co loniale

1935 : 17 r eprésentatio ns des Cenci au x Folies-Wagr am

Le départ :

1936 : voyage au  Mexique et en Irlande.

1937-1946 : interné au Havre, pu is à Sainte-Anne, à Ville-Évr ard et à Rodez . Il

reçoit 52 électro-chocs.

Le retour :

1947 : enrigistrement radiopho nique de

Pour en finir avec le ju gement de Dieu

.

Conférence du Vieux Colombier.

1948 : mort d’Antonin Artaud, le 4 mars, à Ivry-sur-Seine.

 

recherche et dossier réalisé par Stephane , Lycée Claude Monet

liens

sur dailymotion

sur Ubuweb (à écouter)

Derrida  Artaud

le corps d'Artaud auxemery

articles sur artaud, biographie, réception

à propos d'Artaud et des tarahumara à signaler la le fantastique travail cinématographique de Raymonde Carasco et de Régis Hébraud 

ARTAUD ET LES TARAHUMARAS    film de Raymonde Carasco

les malades et les medecins  enregistrement radio 1946  et autres témoignages  depuis son retour de Rodez

les malades et les médecins  texte

 

La maladie est un état.
La santé n’en est qu’un autre,
plus moche.
Je veux dire plus lâche et plus mesquin.
Pas de malade qui n’ait grandi.
Pas de bien portant qui n’ait un jour trahi, pour n’avoir pas voulu être malade, comme tels médecins que j’ai subis.
 
J’ai été malade toute ma vie et je ne demande qu’à continuer. Car les états de privation de la vie m’ont toujours renseigné beaucoup mieux sur la pléthore de ma puissance que les crédences petites-bourgeoises de :
LA BONNE SANTÉ SUFFIT.
 
Car mon être est beau mais affreux. Et il n’est beau que parce qu’il est affreux.
Affreux, affre, construit d’affreux.
Guérir une maladie est un crime.
C’est écraser la tête d’un môme beaucoup moins chiche que la vie.
Le laid con-sonne. Le beau pourrit.
 
Mais, malade, on n’est pas dopé d’opium, de cocaïne ou de morphine.
Et il faut aimer l’affre
                                 des fièvres,
la jaunisse et sa perfidie
beaucoup plus que toute euphorie.
 
Alors la fièvre,
la fièvre chaude de ma tête,
— car je suis en état de fièvre chaude depuis cinquante ans que je suis en vie, —
me donnera
mon opium,
— cet être, —
celui,
tête chaude que je serai,
opium de la tête aux pieds.
Car,
la cocaïne est un os,
l’héroïne, un sur-homme en os,
 
                            ca i tra la sara
                            ca fena
                            ca i tra la sara
                            ca fa
 
et l’opium est cette cave,
cette momification de sang cave,
cette raclure
de sperme en cave,
cette excrémation d’un vieux môme,
cette désintégration d’un vieux trou,
cette excrémentation d’un môme,
petit môme d’anus enfoui,
dont le nom est :
                         merde,
                         pipi,
con-science des maladies.
 
Et, opium de père en fi,
 
fi donc qui va de père en fils, —
 
il faut qu’il t’en revienne la poudre,
quand tu auras bien souffert sans lit.
 
C’est ainsi que je considère
que c’est à moi,
sempiternel malade,
à guérir tous les médecins,
— nés médecins par insuffisance de maladie, —
et non à des médecins ignorants de mes états affreux de malade,
à m’imposer leur insulinothérapie,
santé
d’un monde
d’avachis.
 
                                                    Antonin Artaud

 


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