ALONSO DE CONTRERAS

Memoires du Capitan Alonso de Contreras

(1582-1633)

éditions Viviane Hamy. 1990. traduit de l'allemand, préface de Ernst Jünger.

postface aux aventures du capitan Contreras par Ortega y Gasset.

 

discours sur ma vie

Depuis que je partis pour servir le roi, à l'âge de quatorze ans, en l'an 1595, jusqu'à la fin de l'an 1630, au 1er octobre, que je commençai cette relation


 

un livre qui vous tombe sur la tête, du temps d'Henri IV , si loin

un capitaine espagnol rédige ses mémoires

et pourtant voilà un livre qui interroge plus que d'autres sur la vie, sur l'écriture

je n'aime pas les biographies, les gens racontent leurs sentiments qui les aveuglent, mauvaise manière de convier l'écriture, histoire de père ou de mère, album photo, illusion d'égo

Alonso n'a pas de vérité sur le monde, le monde est comme ça, il y va, il s'y précipite, et intelligent, d'enfant soldat, il devient vite capitaine, expert en navigation, il attaque, il y voit clair, et pas clair

il devient un pion dans la machine des guerres du siècle et des états

liberté d'attaque, une embuscade, un razzia, pour le plaisir, partagé semble t-il par les ennemis "maurisques" qui font de même.

Alonso n'accepte aucune insulte, il tire son épée, prêt à agresser quiconque, et surtout les amis traîtres.

Alonso a une morale, on sent qu'il est droit, la vie d'un homme n'a pas forcément beaucoup d'importance, d'ailleurs on lui demande de tuer, la société a besoin de sa fermeté, de sa dureté, il est cruel, sans malice, simplement cruel.

Attention c'est un peu plus compliqué, en fait Alonzo déconne, fuite, vol, crime, il est mouillé dans les pires histoires, et toutes l'amènent à Malte, la RELIGION a besoin d'hommes comme lui, toujours prêts à repartir, toujours prêts à commander un bateau, une galère, pour une mission impossible.

Alonso gagne, repart, revient, assoiffé d'or et de mer, il y a un mot qu'il n'écrit jamais, liberté, on le sent libre, maître et libre, mais à ce prix.

Il écrit comme au combat en avançant, lapidaire. Un critique dit qu'heureusement, Alonso ne connait rien à la rhétorique de l'époque.
Lapidaire Alonso il l'est, il attaque une citadelle, une ligne, il tue sa femme et son amant, une ligne, il avance furieux, imprenable.

singulier Alonso, il se fait anachorète, un moment, il se souvient qu'il était bien, et puis on l'a repris, il aurait pu continuer, avec la même vigueur, être saint.

il dit des vérités invraisemblables, on a pu vérifier certains de ces dires, Alonso n'invente pas, il n'écrit pas pour inventer, il manque d'imagination, il choisit très certainement, il s'interroge, j'ai fait ça et ça, tiens ! je l'ai embroché, j'ai retrouvé ma mère, j'ai donné de l'or à celle là, ah oui, j'ai tué celui là, je n'ai pas tourné le dos, j'ai rencontré le pape, le roi m'a chiffonné ma demande.

au début du livre, une histoire insensée, Alfonso en train de tuer un petit camarade dont le père avait fait fouetter Alonso, rage, violence inouie, jalousie, il ne sent pas qu'il le tue. Genet malgré toute sa provocation, évite de raconter ce qu'il a fait, Alonso raconte le pire crime d'enfant, et son rachat, ou plutot son oubli, et bizarrerie de cette époque si sévère, il est banni, une année, après quoi il part à la guerre.

comble de l'étonnement, sa rencontre avec Lope de Vega, qui le recueille lors d'une mauvaise passe, quand Alonso, un peu fatigué, vieilli, a besoin de souffler, ou d'être entendu, est ce à son contact qu'il s'autorise à écrire ?

 

impressionnant

par quel hasard on se retrouve avec une traduction de l'allemand ?

n'empêche

lisez Alonso,

offrez vous une bombe

du temps de la conquête

du temps de la guerre européenne

du temps des bateaux et des pirates

une autre dimension

Alonso plantant sa griffe dans le monde des livres

sans doute Lope de Vega ne s'est pas arrêté à lui par hasard

il nous met comme rarement au milieu des rouages de l'état, ces nouveaux états qui se mettent en place, Espagne, France, Angleterre et qui tous engendrent et ont besoin d'homme comme lui. Au delà des morales bien pensantes, masques et grimaces, le capitaine dit sans fard sa violence, ses missions, ses actions, sans aucune plainte,

on rencontre rarement une telle énergie, un tel aveu, un tel témoignage.

 


Voyages au Levant avec les galions

 

On envoya de nouveau les deux galions au Levant. Nous y fîmes d'incroyables voleries sur mer et sur terre, tant était chanceux ce vice-roi ! Nous mîmes à sac les magasins d'Alexandrette, port de mer où viennent s'amasser toutes les marchandises qui arrivent par terre de l'Inde portugaise, par Babylone et Alep. Grandes furent les richesses que nous en rapportâmes.

Cependant au cours de ces voyage, moi je ne m'endormais pas, car j'aimais la navigation et je pratiquais toujours avec les pilotes, les regardant étudier la carte, apprenant à reconnaître les terres où nous passions, les ports, les caps, les marquant, et cela me servit depuis à faire un "routier" de tout le Levant, Morée, Anatolie, Caramanie, Syrie, Afrique jusqu'au cap Cantin dans la mer océanie; îles de Candie, Chypre, Sardaigne, Majorque et Minorque, côte d'Espagne, du cap sant-Vincent, en côtoyant la terre de Sanlucar et de Gibraltar, jusqu'à Carthagène et de là à Barcelone; côtes de France jusqu'à Marseille, et de là à Gênes, et de Gênes à Livourne, au fleuve Tibre et à Naples, et au-delà de Naples toute la Calabre jusqu'à la Pouille et au golfe de Venise, port par port, avec les caps et les mouillages où l'on peut réparer les divers navires, indiquant les fonds.

 


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